Le Rite de Passage autour de la Ménopause

extrait du livre la puissance du féminin de Camille Sfez

Carol Anpo Wi propose ce rite de sagesse, selon la tradition amérindienne qu’elle connait bien. J’ai rencontré Carol autour du Conseil des Anciennes des 13 Lunes, un enseignement sur le féminin profond dont je parlerai plus loin. D’avoir assisté à son rite m’a ouvert à la joie de cette nouvelle étape.

Peux-tu nous parler de la ménopause ?

Le rite de sagesse est en lien avec la ménopause mais pas seulement. Des femmes sont ménopausées très tôt pour différentes raisons mais ne sont pas encore dans ce passage du temps de sagesse. Les Amérindiennes passent ce rite de sagesse après 52 ans si elles n’ont plus leurs lunes depuis un an. Cela correspond à un moment de maturité, propice pour se libérer. Souvent cela correspond au départ des enfants, ou à d’autres libérations, énergétiques ou de responsabilités. C’est un temps où l’on peut passer à autre chose, faire une pause, redéfinir nos besoins et nos aspirations. Et l’âme se fait plus proche ! Il y a le temps des premières lunes et le temps des dernières lunes, c’est la nature lunaire de la femme mais c’est un bouleversement énorme aussi bien au niveau physique, physiologique que psychologique.

Comment se passage est-il vécu dans la tradition amérindienne ?

Ce temps n’est pas valorisé dans nos sociétés, il est devenu une maladie, quelque chose que l’on essaie de faire disparaître comme les lunes et d’autres aspects de la vie qui ont perdu la connaissance subtile du plan divin et du sacré. Dans les cultures ancestrales, on nous dit toujours que l’on meurt pour un meilleur, c’est une loi sacrée universelle. On quitte un état pour s’ouvrir à un autre qui sera encore plus vaste. 

La mort peut aussi être vue comme une fête, même s’il y a un deuil, et il y en a un dans chaque rite de passage. On peut être en gratitude de tout ce qui a été vécu, tout en étant excité de passer dans un autre état : c’est le mouvement de la vie. On apprend à mourir à chaque instant pour être profondément vivant. C’est ce qui est célébré dans le rite de passage, accepter de mourir à un état pour renaître à un nouvel espace. C’est passer volontairement la porte qui s’ouvre devant nous avec le coeur plein de gratitude pour tout ce qui a été et plein de confiance pour tout ce qui sera !

Et dans le corps de la femme, comment cette ménopause se manifeste ?

La ménopause est souvent un deuil pour la femme parce que c’est profondément physiologique de porter la vie même si elle ne veut plus d’enfant. Le changement hormonal entraine aussi beaucoup de transformations bien souvent difficiles à accepter, nous en parlons souvent dans la préparation du rite, c’est une préoccupation courante et chargée de plein de croyances. 

Cela peut être une grande libération si l’on comprend l’autre façon de porter la vie, qui est méconnue et peu valorisée. Dans la culture amérindienne on nous parle beaucoup de la visionnaire. Toute l’énergie sollicitée pour fabriquer l’ovule, pour préparer l’utérus à porter la vie chaque mois concentre énormément d’énergie. A la ménopause elle est libérée et transférée dans les chakras du haut, le troisième oeil, ce qui augmente le potentiel de clairvoyance et une plus grande connexion avec le subtil, l’âme. 

Il y a aussi un afflux d’énergie dans le chakra laryngé qui provoque souvent d’ailleurs des problèmes de thyroïde si nous ne savons pas comment l’utiliser. Dans les peuples premiers, les femmes ménopausées étaient des transmettrices de la connaissance basée sur leur expérience de vie. 

Dans notre société, ménopause rime plus avec vieillesse que sagesse, et toi tu parles d’une étape d’éternelle jeunesse ?

En effet dans d’autres peuples, cette étape est celle d’une éternelle jeunesse. J’ai passé cette porte il y a peu de temps et même si je n’ai pas encore trouvé les secrets de l’éternelle jeunesse, je peux témoigner à quel point ça me met en contact avec une deuxième jeunesse, qui n’est pas forcément dans mon corps physique, mais à l’intérieur comme un relent d’émerveillement. C’est retrouver le contact avec l’enfant magique en nous, comme disent les Anciens. Avoir les yeux illuminés, pétillants, avec ce sourire d’enfant, c’est ça la sagesse : cette innocence qui devient consciente. 

Sous quelle forme proposes-tu ce rite de sagesse ?

La forme du rite de passage que nous faisons chez nous m’est venue en rêve, inspirée par mes guides et les gardiennes du Conseil des 13 lunes. Il y a 4 jours de préparation comme une roue médecine avec 4 étapes, 4 directions et 4 pouvoirs. Chaque journée est nourrie par un cercle de partage entre femmes, et un temps d’introspection pour récapituler sa vie d’aujourd’hui jusqu’à ses premières lunes. Il s’agit d’accueillir, se laisser traverser par les émotions, les larmes, les rires jusqu’à ce que l’on puisse tout regarder avec recul et détachement et dire « je suis ok avec tout, c’est ma vie, je suis toutes ces expériences, j’en suis nourrie et je remercie ». C’est en faire un terreau pour la troisième tranche de vie où tout est encore possible et plus léger car il y a moins de responsabilités dans la matière. Il s’agit de passer la porte en laissant son sac à dos, les pieds nus, légère comme un papillon. 

Puis il y a la cérémonie en elle-même où est convié tout le monde et où l’on fait une rapide introspection en marchant dans une spirale puis on passe physiquement un seuil, comme si l’on pénétrait dans un nouveau monde. Je ne dévoile pas tout mais c’est très beau et authentique ! Il y a quelque chose qui se décharge des épaules, on reçoit un châle de sagesse et on se déleste de ce que l’on a porté. Et l’on reconnait les jeunes qui portent à leur tour, c’est un moment de transmission, beaucoup plus de son expérience que d’un enseignement théorique.

Cela permet de retrouver ce rôle très important des ainés d’amener la vision, des conteuses d’histoires qui racontent les leçons acquises par l’expérience. Quand les Anciennes viennent témoigner dans les cercles, cela permet pour les plus jeunes de garder la mémoire de celles qui sont venues avant, de leurs combats. Comme pour la pilule, l’avortement, pour être dans la gratitude de celles qui se sont levées pour qu’on ait ces choix là. Cela guérit beaucoup et amène un vrai partage inter-générationnel. Je rêve d’un monde où les aînés retrouverons leur place de gardiens des lois sacrés dans leur immense sagesse, leur grande compassion et leur vision juste et globale. 

Entrer en Tiyoweh, quête de Vision au féminin

Dans la langue Seneca, tribu iroquoise, Tiyoweh se traduit par calme, immobilité. 

Dans cette tradition de gardiens de la Terre, entrer en Tiyoweh signifie entrer dans le silence et arrêter le monde afin d’ écouter les messages toujours présents de notre nature profonde, de notre cœur, du monde des esprits, du Grand Mystère. Cette sagesse ancienne nous apprend qu’une personne qui entre en Tiyoweh peut entendre sa petite voix intérieure et accéder à sa Vérité. Cette cérémonie était très importante, essentielle dans la sagesse des anciennes, pour que la femme puisse écouter la vérité de son essence primordiale et avoir accès à son rêve sacré pour ensuite pouvoir le manifester.

Le conseil des Anciennes du monde invisible (paradoxalement si présent, si palpable) nous appelle, toutes, nous, femmes, à restaurer et honorer cette Profonde Féminité en retrouvant la sagesse de cette cérémonie. Afin de pouvoir entendre la voix de notre utérus, de notre terre, de Terre-Mère, entendre la voix de notre cœur et notre propre vérité intérieure.

Entrer en Tiyoweh est préférable pendant le temps des lunes, le temps des menstrues, quand toutes nos énergies sont tournées vers l’intérieur, quand notre utérus est ouvert et réceptif, particulièrement, même si c’est possible de le faire à d’autres moments. Dans les temps anciens, ce temps de retraite durait trois jours et trois nuits et se vivait toujours seul. Il y avait d’autres cérémonies comme, par exemple, les loges noires (black logdes ou moon lodges), elles aussi des cérémonies de femmes en lunes, mais elles se vivaient en groupe car toutes les femmes étaient en lunes en même temps. Le Tiyoweh se pratiquait dans une grotte ou une hutte symbolisant l’utérus. Un feu y était maintenu toute la nuit. De l’eau et de la nourriture étaient indispensables, il ne s’agissait pas de manquer ou d’être dans la privation. Les anciens disaient que la femme souffrait bien assez en ayant ses lunes et en donnant la vie. Dans ce moment particulier des lunes, il est important de se sentir en sécurité, dans un cocon de chaleur et de douceur, tout état de stress couperait la réceptivité. C’est un moment de purification où il est souhaitable de choisir une nourriture légère et naturelle, privilégiant les fruits et de l’eau de source, l’eau étant indispensable pour maintenir le flux des lunes et hydrater l’utérus. Il est préférable que le corps n’utilise pas trop d’énergie pour la digestion.

Si vous ne pouvez avoir un tipi ou une yourte consacré à ce temps de retraite, vous pouvez avoir une pièce ou un lieu qui vous soit consacré, où vous ne serez pas dérangée. Si vous avez un compagnon et/ou des enfants, il est important que ce temps pour vous soit reconnu et accepté, à vous de le faire respecter, et si c’est fait en douceur, ils verront vite qu’ils ont tout à y gagner. Si vous n’avez plus vos lunes, vous pouvez choisir une autre période par exemple à la pleine Lune ou à la nouvelle Lune. Si vous ne pouvez le vivre pendant 3 jours, faites-le progressivement, 2 jours, une journée ou même quelques heures c’est déjà bien. Tout est tellement à restaurer !  Et puis petit à petit, j’espère que cela deviendra de nouveau essentiel, comme une priorité dans nos vies de femmes et pour la société.

Pendant cette retraite, quelle que soit sa durée, il est important de n’avoir aucune occupation qui puisse nous détourner de cet état de réceptivité : pas de lecture, pas de télévision (bien sûr !), pas de musique avec des paroles (un fond musical favorisant cet état de calme et de paix peut être le bienvenu), aucune sollicitation extérieure… Par contre, chantez, jouez du tambour, dansez, remerciez, créez à travers l’artisanat : poterie, perlage…, ou l’art : sculpture, peinture…, tout ce qui peut favoriser l’expression de soi, ponctuez avec des temps de méditation !

Ce qui nous empêcherait d’être dans la réceptivité serait une réelle perte de temps et d’énergie.

Si nous prenons ce temps régulièrement pour nous connecter à nous-même et à la Profonde Féminité, nous gagnerons en confiance et en réceptivité et nous aimerons de plus en plus ces instants de solitude, amenant la joie de la connexion à notre essence spirituelle, aux rythmes de notre corps, au Grand Mystère, à nos animaux totems, nos guides, les esprits, grand-mère Lune et Mère-Terre.

Chaque femme peut trouver à l’intérieur d’elle-même la réponse à ces questions : Qui suis-je ? Quels sont mes dons, mes habiletés ? Qu’ai-je à offrir ? Quel est mon rêve sacré, ma légende personnelle ? Que suis-je venue faire ici ?  Il est temps pour la femme d’arrêter de souffrir inutilement et de se reconnecter à Terre-Mère qui est la source de tout plaisir.

Carol Anpo Wi